Tu seras un homme, mon fils

Hier, j’étais au parc avec ma fille. Je l’ai amenée s’éclater sur son jeu préféré : la balançoire. Il y avait là un homme avec son fils de 4 ans environ. J’aime bien ça les papas avec leurs gamins. Je trouve ça attendrissant. On a discuté un peu, tout en poussant nos bambins respectifs. A un moment, son fils a dit : « quand je serai grand, je serai soldat ». Je suis restée stupéfaite. J’avais envie de lui dire : « d’où te vient cette drôle d’idée, mon p’tit bonhomme ? Tu sais que la guerre c’est pas un beau métier, que les soldats tuent des gens; que la violence, ça devrait pas être une carrière, encore moins une ambition ?  » Le petit a ajouté : « j’aime bien les soldats car ils ont des fusils ». Et là, son père a corrigé : « tu seras pas soldat, tu feras l’Accademia ». C’est à dire que son fils sera officier. Il ne sera pas en première ligne sur le front, il donnera des ordres aux soldats pour qu’ils aillent tuer et se faire tuer. Ce qui est ironique, c’est que ce papa est ambulancier, qu’il est confronté chaque jour à la mort, qu’il travaille pour sauver des vies. Alors je me suis dit, pour ce père, pour ce fils et pour tous ceux qui ont des enfants, un rappel aux fondamentaux est nécessaire.

Voici un poème de Rudyard Kipling qu’on devrait tous lire et connaître quand on décide de faire des enfants :

Tu seras un homme mon fils.

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie

Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir

Ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties

Sans un geste et sans un soupir


Si tu peux être amant sans être fou d’amour

Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre

Et te sentant haï sans haïr à ton tour

Pourtant lutter et te défendre


Si tu peux supporter d’entendre tes paroles

Travesties par des gueux pour exciter des sots

Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle

Sans mentir toi-même d’un seul mot


Si tu peux rester digne en étant populaire

Si tu peux rester peuple en conseillant les rois

Et si tu peux aimer tous tes amis en frère

Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi


Si tu sais méditer observer et connaître

Sans jamais devenir sceptique ou destructeur

Rêver mais sans laisser ton rêve être ton maître

Penser sans n’être qu’un penseur


Si tu peux être dur sans jamais être en rage

Si tu peux être brave et jamais imprudent

Si tu sais être bon, si tu sais être sage

Sans être moral ni pédant

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite

Et recevoir ces deux menteurs d’un même front

Si tu peux conserver ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront


Alors les rois les dieux la chance et la victoire

Seront à tout jamais tes esclaves soumis

Et ce qui vaut mieux que les rois et la gloire

Tu seras un homme mon fils.

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