Je n’ai jamais aimé parler de moi. Avec les années, ça s’est amélioré, mais ça reste un exercice pénible. J’envie presque ceux qui font « moâ, moâ, moâ », sans jamais éprouver inquiétude ou lassitude. J’ai dû mal à me dévoiler, à me raconter. Et pourtant ce blog, c’est moi, c’est ma maison. On y trouve tout ce que je suis, ce que j’aime, ce qui me pousse à me lever le matin. Les mots, l’écriture, l’Art, le goût des autres, de la rencontre. Il y a autre chose aussi et c’est peut-être la partie la plus précieuse de ma vie. Il y a mes filles, qui sont petites encore (trois et six ans), et qui découvrent en grande partie le monde à travers mes yeux, mon regard, mes choix. Elles adorent Michael Jackson. Moi aussi. Le matin, elles aiment bien quand je les réveille avec « Heal the World ». C’est super efficace. Ça te met en mode Peace and Love, c’est bien pour commencer ta journée.
Qui suis-je ? Où vais-je ? D’où viens-je ? …
Je suis une femme, née en Algérie dans les années 70 (mais quand on me voit, on dirait pas ; on me dit souvent, tu serais pas née dans les années 80 ?), j’ai grandi en France et maintenant j’habite en Italie. Tu t’étonnes peut-être : pourquoi un blog avec autant d’anglais alors que je ne suis pas américaine ou même seulement de langue maternelle anglaise ? C’est naturel, toutes ces langues en moi, le français, l’anglais l’italien, même l’espagnol. A force d’être ailleurs que chez moi, à force de côtoyer des personnes avec lesquelles je communique dans une langue qui ne m’appartient pas, ces langues ont fini par se sédimenter en moi. Elles ont fait de moi une « citizen of the world », alors parfois, je vais piocher dans l’une ou l’autre sans complexe, et il faudra pas t’en inquiéter. Mais si tu ne comprends rien à mon charabia, n’hésite pas à m’interpeller … Je suis pas là pour parler au désert.
Si on veut être précis, je dirais que je suis franco-algérienne, mais je me sens d’abord et avant tout parisienne même si depuis quelque temps je ne reconnais plus la ville que j’aime. Est-ce que c’est parce que j’habite depuis trop longtemps ailleurs ? Souvent, j’ai eu mal parce que j’ai raté des moments heureux et douloureux en France. J’aurais voulu être là, parmi la foule, à hurler, à pleurer, à exulter. Mais j’étais loin. Loin, c’est un mot que je connais bien. Je viens de loin. Je suis trop loin. Mes racines sont loin. Ma famille est loin de moi. Je suis loin de Paris, du monde des éditeurs, et ça a bien pénalisé, je crois, mes velléités littéraires. Ça doit être un truc de karma, être loin. Tu pourras me parler du tien, si ça te chante.
Quitter ton pays, quand tu es déjà adulte, ça t’oblige à te réinventer. Tu dois oublier celui, celle que tu étais, tu dois oublier ta langue pour en apprendre une autre, tes habitudes, ton boulot, tes amis. Ici j’ai été prof de français, prof de danse orientale, traductrice, coach pour comédiens, doubleuse de marionnettes, assistante export, vendeuse de fringues made in Italy super chères et super belles, j’ai bossé sur les marchés, j’ai été animatrice radio, lectrice à la fac. Quand j’étais petite, on m’appelait la Chinoisette (tu dois imaginer pourquoi). Je suis allée deux fois en Chine d’ailleurs et je rêve maintenant de découvrir le Japon (je suis très branchée art Japonais, tu t’en rendras rapidement compte sur ce blog). J’ai un peu voyagé par le passé, mais je me suis calmée quand je suis devenue maman (les enfants, ça calme bien à ce niveau). J’ai écrit et publié deux romans en France, qui ont été pas mal reçu (si j’avais eu le Goncourt, tu le saurais 😉 ) mais ma carrière d’écrivain est actuellement en jachère. Je viens de terminer un nouveau roman, et j’espère le voir publier. Où ? Chez qui ? Je n’en sais rien. Pour le moment j’ai contacté cinq éditeurs, et rien, que dalle. Black out. On en reparlera, si ça t’intéresse. Je commence à lorgner du côté de l’auto-édition, sur internet, parce qu’à un moment tu en as marre d’attendre. Le Best-Seller qui te changera la vie, le coup de fil qui comblera tes désirs les plus fous, le coup de foudre qui balaiera tout. T’en as marre de dépendre du désir, du jugement des autres. Et tu agis, tu te prends en main. Un jour, mon frère (un des mes sept frères et sœurs!) m’a dit : chacun doit faire sa vie. J’ai pas compris tout de suite ce qu’il voulait dire, parce que ça m’a semblé d’abord et seulement un lieu commun. Mais il a ajouté : « quand j’entends faire, c’est faire, à la manière d’un potier. C’est un exercice qui exige du temps, de l’attention, de l’amour ». Et j’ai compris que mon frère était un grand philosophe. Il a raison, faire une vie qui nous ressemble c’est le travail d’une vie. Moi, je crois que je suis loin de beaucoup de choses, mais, il y a une chose dont je suis sûre. Je ne suis jamais loin de moi. Au fait, tu peux m’appeler Tessa.
Toutes les merveilleuses illustrations ont été aimablement autorisées par l’auteure ©Yuko Shimizu. www.yukoart.com