Dans chaque femme bat le cœur d’une midinette. Je n’échappe pas à la règle. J’ai beau être une femme « mûre », une mère, il y a une partie de moi qui refuse les lois de la physique, qui ne connaît pas les rides (la chance!), qui continue à avoir quinze ans, forever. Bref, je continue à être sur le plan coronaire une grosse gamine. Mon cœur bat la chamade pour des hommes inaccessibles, je perds la tête devant des stars de ciné, je fantasme sur des chanteurs sexy comme quand j’étais ado et que je lisais en cachette OK Podium. Je rêve d’eux la nuit. Je nous invente des histoires d’amour. Avant de sombrer, je construis mes scénarios, en général, ils sont hyper élaborés. Je ne laisse rien au hasard. Parce que, attention, je ne me contente pas de rencontres d’un soir hein, je laisse ça aux groupies sans ambition. Moi ce qui m’intéresse c’est de leur faire perdre de la tête et qu’on vive une grande grande histoire d’amour. Je suis hyper forte sur les détails. Parce que j’ai beau savoir que ce n’est qu’un rêve, il doit être plausible. Les rêves pourris, c’est pas pour moi. Où on se rencontre, quel âge j’ai, quelle vie j’ai. Le premier rendez-vous, les étapes du flirt, la déclaration, la vie en commun, la vie sociale entre soirées people et voyages dans les spots les plus classes de la planète. Ce sont des histoires quatre étoiles. Je ne me refuse rien. Un de mes derniers flirts s’appelle Pharrell. C’est un chanteur de hip-hop américain, il est noir, il est aussi producteur, il transforme tout ce qu’il touche en or, c’est un génie et je l’aime.
On s’est rencontrés comment ? Grâce à notre passion commune : la musique. Je suis étudiante (sympa de retrouver ses vingt ans) et je passe un semestre aux States (je suis à Yale, Harvard ou Berkeley, un truc pas mal, tant qu’à faire). Comme j’entends parler des auditions de The Voice qui ont lieu dans le coin, je me laisse convaincre par une copine d’y participer, pour le fun et pour rencontrer nos chanteurs préférés, en chair et en os. Toujours mieux que de baver devant MTV.
Je n’ai aucune prétention, je chantonne sous ma douche comme tout le monde mais ma voix n’a, à mon avis, rien d’extraordinaire. Le grand jour est arrivé. Je monte sur scène. Je me la suis joué cool au niveau des fringues. Je suis un peu paniquée, je tremble quand les lumières petit à petit s’éteignent et me laissent seule face au public et aux sièges retournés des membres du Jury. Je sais que derrière, sont assis Gwen Stefany, Adam Levine, le chanteur beau gosse des Maroon 5, et un autre chanteur que je ne connais pas. Mais surtout il y a Pharrell. La musique commence. Ma voix déraille au début, j’ai peur de ne pas y arriver, j’ai jamais chanté devant dix personnes, alors devant cinq mille… mais je me reprends et très vite, j’oublie tout. Je me mets à chanter « For once in my life », de Stevie Wonder avec toute mon âme. Et tandis que je chante, ma voix trouve son chemin. Elle écarte les fourrés derrière lesquels elle était tapie toutes ces années, elle se fait plus forte, plus libre. Est-ce moi qui chante ? Est-ce réellement moi qui chante ? J’ai l’impression de parler de moi à chaque parole, j’ai l’impression que ce texte m’appartient et que ce je chante est vrai. Je ne reconnais pas ma voix. Il me semble la découvrir. Je sens autour de moi qu’il se passe quelque chose, comme un écho à ce qui se passe en moi. Un frémissement dans le public, des murmures. Et soudain, incroyable, le premier siège qui se retourne. Gwen Stefany. Puis un deuxième, le chanteur inconnu qui me fait un gros sourire, puis Adam Levine. Mais Pharrell, non. Je continue à chanter. J’essaie de ne pas regarder le fauteuil qui me tourne ostensiblement le dos. Mais je chante pour lui. Je chante pour toi, Pharrell. Alors que la chanson touche à sa fin, je sens la tristesse m’envahir. Je n’ai pas su toucher Pharrell. Celui pour qui j’ai chanté n’a pas été sensible à mon appel. J’ai le cœur gros. Presque envie de chialer. Et puis tout d’un coup, alors que tout espoir m’avait abandonné, Pharrell jaillit de l’obscurité, un énorme chapeau sur la tête. Je lui souris. Il me sourit. Nous ne sommes plus que tous les deux. Tout le reste a cessé d’exister. A tour de rôle, les jurés me font des compliments et me posent des questions. Ils se montrent étonnés quand je leur dis que je viens de France, ils me demandent ce que je fais là, je leur raconte un peu. Pharrell ne me quitte pas des yeux. Le chanteur inconnu me demande si je veux chanter quelque chose en français. Heureusement, ma copine qui connaît bien le programme m’avait briefée. Après un peu d’hésitation (juste pour le plaisir de les entendre insister), je dis ok, et je chante a cappella l’Hymne à l’amour. Trop forte, vraiment trop forte. A la fin, le public et les jurés se lèvent pour m’applaudir. Standing Ovation. Gwen essuie même une petite larme, et la main sur le cœur, me dit en français que c’était très beau. Je la remercie, mais je sais déjà quel coach je vais choisir. Ce sera pas toi choupinette, désolée. Toi et moi, ce sera MTV for ever et rien d’autre, tandis qu’avec Pharrrell… Donc j’annonce mon choix, je dis : « I choose Pharrell », Pharrell s’approche de moi pour me faire la bise sous le regard désespéré des autres jurés. Tandis qu’il m’embrasse, mon coeur s’emballe, Pharell murmure à mon oreille : « I really loved you . You are unique » et je crois que je vais tomber.
Quelques semaines plus tard, je le retrouve à plusieurs reprises dans les studios pour préparer les émissions et les épreuves suivantes. Je ne suis pas son unique protégée. Son écurie compte de nombreux chanteurs et chanteuses, plus talentueux les uns que les autres. Il y a dans le groupe à la fois beaucoup de complicité et de rivalité. Moi, la compétition, je m’en fiche. Je n’ai jamais pensé être chanteuse ou gagner, alors, je vis ça comme une expérience incroyable. Mais je sens qu’il se passe quelque chose de spécial entre Pharrell et moi. On se comprend d’un regard. Il me sourit et c’est comme si j’avais lu en lui tout ce que sa bouche ne veut pas encore dire. On est tous les deux attentifs à ne pas glisser sur un mode perso. Il ne faudrait pas qu’on pense qu’il y a favoritisme ou que je tente de le séduire pour me le mettre dans la poche. Je sais aussi qu’il est divorcé depuis deux ans. C’est un cœur à prendre, mais pas n’importe comment. A ma propre surprise, j’avance dans la compétition, sans être inquiétée. Ma voix prend de l’ampleur et moi, de plus en plus de plaisir à chanter. Je ne m’étais peut-être en fait jamais autorisée à penser que je pouvais chanter…
Un soir, nous sommes déjà en quart de finale, Pharrell organise une fête dans sa villa de Malibu – tous les VIPs ont une villa là-bas- et invite tous les candidats encore en lice. J’en suis, of course. Il fait bon, c’est le printemps. Je décide de sortir faire quelques pas sur la plage. J’enlève mes sandales, je m’enfonce dans le sable. Soudain, j’entends une voix derrière moi. Je me retourne, c’est Pharrell. Il me sourit, me demande ce que je fais là. Je lui réponds que j’avais envie de toucher la mer. Il ne répond pas, mais me prend la main et m’entraîne. … et puis chabadabada… Parce que c’était lui, parce que c’était moi… Notre Love Story commence. Notre conte de fées moderne est lancé.
Bref, on est amoureux mais on essaie d’être super discrets. On se voit chez lui, on évite les gestes d’affection en public. C’est trop tôt. Mais on se fait surprendre et les journaux commencent à jaser. On dit qu’il y a conflit d’intérêt, que la compétition est biaisée parce que je vis une histoire avec mon coach. Pharrell me rassure, ne t’inquiète pas, ils finiront pas se lasser. Mais ils ne se lassent pas. Ils ne me lâchent pas d’une semelle. Alors je prends une décision. Je suis en demi-finale et mes chances sont plutôt bonnes. Mais à la fin, avant qu’ils ne dévoilent les noms des finalistes, je demande la parole. Et la gorge nouée, j’annonce que j’abandonne la compétition. Pharrell reste muet. C’est un véritable cataclysme. J’explique que j’ai vécu un très beau rêve et que j’ai déjà gagné. Et puis, dans la vie, il y a de la place pour tous, on n’a pas besoin de se mesurer les uns aux autres en permanence pour savoir ce qu’on vaut. Quand je quitte le plateau, je ne peux empêcher mes larmes de couler. Pharrell me rejoint dans les coulisses, me prend dans ses bras et me dit : « I love you ».
La suite, mes amis, est un crescendo de gloire, d’amour, de bonheur et de disques d’or. Pharrell est mon amoureux et mon producteur. On ne se cache plus. Je suis devenue chanteuse, j’ai fait mon trou aux States. En France, je suis devenue une espèce de mythe. J’ai les paparazzis aux fesses à chaque fois que je débarque. Avec Pharrell, c’est juste parfait. C’est juste trop bon. I am so « HAPPY ».