Personne n’aurait pu imaginer que cette belle journée de septembre, ce jeudi qui ressemblait en tous points à tant de jeudis, serait plus tard immortalisé dans les livres d’histoire, comme le « Black Thursday », le Jour du Jugement dernier. Tout le monde avait fini par oublier cette histoire de Fin du monde. Les quelques derniers croyants évoquaient de temps à autre Armageddon, mais même les plus fervents avaient fini par admettre que ce n’était qu’une histoire parmi tant d’histoires, qui n’engageaient que ceux qui voulaient y croire.
Depuis des siècles, l’homme avait écarté Dieu de son existence et rien ne l’avait remplacé. Il achetait ce dont il n’avait aucun besoin, il passait toujours plus de temps devant ses écrans, il échappait à l’ennui grâce aux casques de réalité virtuelle et ceux-ci avaient fini par se substituer aux antidépresseurs que la grande majorité avalait chaque jour pour supporter le vide, le néant de leur existence. Pourquoi aurait-il eu encore besoin de Dieu ? Rien n’avait jamais pu apporter la preuve de son Existence, alors l’homme s’était détourné de Dieu, sa création.
Et puis, Elle était arrivée. Un jeudi matin. Elle avait choisi New York pour annoncer sa venue et sa mission au monde. Le cadre de son apparition ne devait rien au hasard : elle parla pour la première fois au Siège de l’ONU. Une commission se tenait ce matin-là. Des discussions molles sur des arguments maintes fois discutés, des représentants à moitié endormis dans une salle à peu près déserte. Soudain, les présents avaient ressenti une secousse. Un tremblement de terre, avaient pensé la plupart. Ils s’étaient redressés, tous sens en alerte. Mais aucun signal acoustique ne donna l’ordre d’évacuer le bâtiment alors ils demeurèrent sur leur siège en cuir, immobiles mais vaguement inquiets.
Ils entendirent une porte s’ouvrir, et presque imperceptible, un bruit de pas. Une silhouette tout de blanc vêtue fendit les travées pour se diriger ver l’estrade centrale, là où étaient assis les délégués principaux qui dirigeaient les travaux. Tous les écrans de la salle s’allumèrent en même temps et donnèrent à voir la salle, comme si une caméra s’était brusquement connectée pour transmettre en direct les événements singuliers qui allaient s’y dérouler.
Le silence avait envahi l’immense salle. Les regards suivaient, éberlués, la silhouette fine qui se dirigeait à pas tranquilles vers le centre de l’amphithéâtre. Qui est-ce ?, demandaient les délégués en poussant du coude leur voisin. Certains haussèrent les épaules, d’autres émirent des hypothèses : une femme. La femme d’un représentant arabe. C’était possible, en effet, l’apparition portait un caftan, de ceux que revêtent traditionnellement les Marocaines. Les lignes étaient pures, sobres, sans fioriture. Il était difficile de vérifier si ces hypothèses étaient fondées car l’individu avait pris soin de s’encapuchonner. D’autres questions affleuraient sur les lèvres : comment est-elle entrée ? Pourquoi les gardes l’ont-ils laissée franchir les portiques de sécurité ? Plus les minutes passaient, plus l’angoisse montait. Certains eurent une vilaine prémonition. Ils eurent peur et ils pensèrent quitter la salle. Mais quelque chose les en empêchait, comme si leur corps ne leur obéissait plus, comme s’ils devaient attendre là, avec les autres.
Sans que personne ne pensât ou ne tentât de l’arrêter, la silhouette avait gagné l’estrade et s’était dirigée vers le pupitre, celui duquel les plus grandes décisions, les plus grandes résolutions qui avaient bouleversé le cours de l’humanité avaient été par le passé annoncées.
L’apparition sembla prendre son temps. Elle s’empara du pupitre, posa ses mains bien à plat et sans qu’elle ne toucha à rien, le micro s’enclencha. Tous les écrans se focalisèrent sur sa silhouette évanescente. Ce que les délégués présents dans la salle ignoraient encore, c’est que tous les écrans du monde entier, de Berlin à Vladivostok, d’Ushuaïa au Cap, en passant par Alger et Téhéran diffusèrent les même images. C’était comme si tous les êtres humains étaient présents dans la salle pour assister au discours de l’inconnu. Elle parla. Oui, c’était une voix de femme. Une voix calme et claire. Il n’y avait plus un bruit dans la salle. Chacun était suspendu à ses lèvres, qui persistaient à se soustraire aux regards. Dans les livres d’histoire, le discours qui suivit fut connu, comme la « Colère de Dieu ».
(A suivre…. )
illustrations : l’utilisation de ces très belles illustrations a été aimablement autorisée par leur auteur,
© Max-o-matic (http://maxomatic.net)
Tu es douée , il n’y a rien à dire !!!
Bravo
Rodolphe