Vieillir comme Deneuve

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La reine Catherine

Catherine continue à tourner. A 75 ans, elle enquille film sur film ; elle fume, toujours solide, sans jamais paraître fatiguée, sans jamais lasser non plus. Elle traverse le cinéma français de sa silhouette identifiable entre toutes ; elle fascine les jeunes réalisateurs qui continuent à lui offrir des rôles qu’aucune autre ne pourrait rêver. Et elle mourra sans doute un jour sur scène, en pleine lumière.

Regarder vieillir un comédien à travers ses films est un crève-cœur. Comme on voit ses parents vieillir, on aimerait que le temps s’arrête pour eux, que leurs cheveux ne deviennent jamais blancs, que leur peau reste lisse, que leur corps reste jeune et fort. On voudrait qu’ils ne nous quittent jamais.

Quand une actrice de cinéma a été belle, adulée et aimée comme Catherine, on imagine que la dernière partie de sa vie sera terrible pour elle. On aurait presque envie, égoïstes que nous sommes, de la supplier de cesser de se montrer après ses quarante ans pour garder intacte l’image de sa fraîcheur, de sa beauté que les années n’ont pas encore entamée. On voudrait geler cette image, ignorer qu’une femme appelée Catherine est vivante quelque part pour que la Reine Catherine, et seulement elle, vive à l’intérieur de nous, éternellement.

Pas de chance, Catherine ne mange pas de ce pain-là. Portée par une envie intacte, elle s’obstine parmi nous, semblant porter sur son propre déclin physique un regard amusé, voire incrédule : « Est-ce toujours moi, la reine Catherine, ce corps ralenti, qui semble appartenir à un déménageur, ce visage bouffi qui reçut autrefois tant de baisers ? ». Catherine n’est pas une femme à se cacher. Ses derniers rôles sont ceux de femmes qui ont aimé et été aimées follement. Des femmes courageuses que la vie n’a pas épargnées, mais qui ne renoncent jamais à se battre et à aimer. Elles font face à la décrépitude qui vient, à la débâcle imminente. Elles font mine d’ignorer la peur qui monte en elles, pour avancer vaille que vaille. Elles ont tout raté mais elles n’ont aucun regret.

Catherine n’est pas une mortelle comme les autres. Même vieillir lui va bien. Hier, sa beauté glacée intimidait. Aujourd’hui, on découvre une femme vulnérable, sincère et humaine. Cette Catherine me plaît infiniment. C’est d’elle dont je veux me souvenir.

Filmographie récente sélective :

Mauvaises herbes, de l’épatant Kheiron (2018) : un film magique autour du duo Kheiron-Deneuve;

Sage-femme, Martin Provost (2017), une jolie histoire autour d’un passé que deux femmes doivent panser;

Bonne-Pomme, Florence Quentin (2017) avec l’inoxydable Gérard D ;

Dans la cour, Pierre Salvadori (2015) où l’on découvre une Catherine qui perd la tête ;

Elle s’en va, Emmanuelle Bercot (2013) pour ce portrait d’une femme libre, une Catherine qui n’en finit pas de renaître.

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